
TL;DR : Une idée d’Adam Grant révolutionne ma vision des promotions. Le principe « opt-out » aurait évité ma plus grosse erreur managériale. Et accessoirement, elle pourrait sauver votre entreprise.
L’erreur qui m’a ouvert les yeux
Novembre 2023. Marc, développeur senior dans mon équipe, démissionne. Motif : « Pas d’évolution possible ici. » Je tombe des nues. Marc était excellent, fiable, respecté par l’équipe. Pourquoi n’a-t-il jamais demandé de promotion ?
Sa réponse me hante encore : « Je pensais que si vous vouliez me promouvoir, vous me l’auriez proposé. »
Erreur classique de ma part : J’attendais qu’il se manifeste. Lui attendait que je le remarque. Résultat : 18 mois de formation perdus, coût de remplacement estimé à 87’000$ (80’000 CHF), et surtout, un excellent élément parti chez la concurrence.
Cette histoire prend un autre sens depuis que j’ai découvert l’idée d’Adam Grant sur les promotions en « opt-out ».
Le système qui inverse tout
Principe révolutionnaire : Au lieu d’attendre que les employés demandent une promotion, on les considère tous automatiquement éligibles. Ils peuvent se retirer du processus s’ils ne sont pas intéressés.
Ma première réaction : « C’est de la folie, on va avoir 200 candidatures pour chaque poste ! »
Ma deuxième réaction : « Attendez… et si c’était exactement le problème qu’on doit résoudre ? »
Mon test secret dans l’équipe
Inspiré par Grant, j’ai tenté une expérience discrète il y a 6 mois. Poste de lead technique à pourvoir. Au lieu d’envoyer un mail général « qui est intéressé ? », j’ai contacté individuellement 8 personnes éligibles :
« Salut [prénom], nous avons un poste de lead tech. Ton profil correspond parfaitement. Es-tu intéressé(e) ? »
Résultat stupéfiant : 6 personnes se sont déclarées intéressées. Avec l’ancienne méthode, j’aurais eu 2 candidatures maximum.
Le détail qui tue : Parmi les 6, 4 étaient des femmes. Avec la méthode classique ? Zéro femme candidate habituellement.
Ce que les RH ne vous disent pas
15 ans de management m’ont appris une vérité dérangeante : nos systèmes de promotion sont biaisés dès le départ. Pas par malveillance, mais par paresse intellectuelle.
Le biais de l’assertivité : On promeut ceux qui demandent fort, pas forcément ceux qui performent le mieux.
Exemple concret : Thomas, commercial dans l’équipe, me harcèle pour une promotion depuis 2 ans. Résultats moyens, mais il sait se vendre. Sophie, développeuse backend, livre des projets impeccables sans jamais rien demander. Devinez qui est le plus visible aux yeux de la direction ?
Avec l’ancien système : Thomas aurait eu sa promotion. Avec le système « opt-out » : Sophie aurait été considérée automatiquement.
Mon changement radical de perspective
Cette approche m’a forcé à questionner mes présupposés sur l’ambition. J’ai réalisé que j’assimilais « discrétion » à « manque d’ambition ». Grave erreur.
Observation personnelle : Mes meilleurs éléments sont souvent les plus discrets. Ils bossent, livrent, font progresser l’équipe… mais ne font pas de bruit. Le système traditionnel les punit.
Ma nouvelle règle : L’excellence ne doit pas avoir besoin de se justifier. C’est à moi, manager, de la repérer et la valoriser.
Les résistances que j’affronte
Direction : « Ça va créer des attentes irréalistes ! » Ma réponse : Mieux vaut gérer des attentes que perdre des talents.
Collègues managers : « On n’a pas le temps d’évaluer tout le monde ! » Ma réponse : On a le temps de recruter en urgence quand les bons partent ?
RH : « Ça complique les processus ! » Ma réponse : Un processus qui rate 60% des talents mérite d’être compliqué.
Mon implémentation concrète
Étape 1 : Cartographie des compétences de l’équipe (pas juste les CVs, les vraies compétences observées)
Étape 2 : Pour chaque poste ouvert, identification automatique des profils éligibles selon 3 critères :
- Performance sur 18 mois
- Compétences techniques requises
- Potentiel d’évolution observé
Étape 3 : Contact personnel et bienveillant avec chaque personne éligible
Étape 4 : « Opt-out » explicite pour ceux qui ne sont pas intéressés
Résultat en 6 mois :
- 3 promotions internes vs 1 habituellement
- 0 démission surprise vs 2-3 par an
- Moral d’équipe au plus haut depuis que je manage
L’effet boule de neige inattendu
Ce système a déclenché quelque chose d’imprévu : une culture de feedback ascendant.
Quand les gens savent qu’ils seront considérés pour les évolutions, ils osent plus facilement exprimer leurs ambitions, leurs besoins de formation, leurs projets.
Sophie, la développeuse discrète : « En fait, j’aimerais bien manager une équipe. » (Jamais dit avant)
Alex, le junior : « J’aimerais me spécialiser en IA. » (Maintenant on adapte sa formation)
Le système « opt-out » ne crée pas juste des promotions équitables. Il libère les ambitions cachées.
Ma conviction aujourd’hui
Cette idée d’Adam Grant n’est pas juste une technique RH. C’est un changement de paradigme.
Au lieu de demander « Qui veut évoluer ? », on se demande « Qui peut évoluer ? ». La nuance change tout.
Mon pari : Dans 3 ans, les entreprises qui n’auront pas adopté ce système perdront leurs meilleurs talents au profit de celles qui l’ont fait.
Et Marc, mon ex-développeur ? Il cartonne dans sa nouvelle boîte. Tant mieux pour lui. Tant pis pour nous.
Cette erreur m’a coûté cher, mais elle m’a aussi ouvert les yeux. Maintenant, je ne rate plus les talents discrets.
Parce que le génie ne crie pas toujours fort.
