Novembre 2023. J’achète Palantir à 18$. « L’IA va exploser », me dis-je. « Cette boîte qui travaille avec la CIA, c’est du solide. » Six mois plus tard, l’action frôle les 40$. Je me sens génial. Aujourd’hui, après l’analyse de Jefferies qui maintient sa recommandation de vente avec un objectif à 60$ (soit -29% de baisse potentielle), je réalise que j’aurais dû écouter les signaux d’alarme.
Quand l’euphorie cache les fondamentaux
971% de hausse en deux ans. Ce chiffre fait tourner les têtes, mais il masque une réalité brutale : Palantir se négocie à 441 fois ses bénéfices. Pour vous donner une perspective, Apple – une des entreprises les plus profitables au monde – se négocie à 30 fois ses bénéfices.
J’ai appris cette leçon à mes dépens : quand une action monte si vite qu’elle défie toute logique financière, ce n’est plus un investissement, c’est de la spéculation pure.
Brent Hill de Jefferies l’exprime crûment : sur 26 analystes couvrant le titre, seulement 8 recommandent l’achat. Wall Street n’est pas convaincu, mais les investisseurs retail comme moi continuent de croire au miracle.
Ce que mes pertes m’ont appris sur l’IA
En creusant après mes premiers -15K€, j’ai découvert quelque chose que les communiqués de presse omettent : l’avantage concurrentiel de Palantir s’effrite.
Leurs contrats gouvernementaux ? Impressionnants sur le papier, mais regardez les appels d’offres récents. Microsoft, Amazon, Google se positionnent agressivement sur ce secteur avec des prix plus compétitifs et des solutions plus modulaires.
Le secteur privé ? C’est là que ça devient intéressant. J’ai parlé avec un directeur IT d’une grande banque française qui évaluait Palantir l’année dernière. Sa conclusion : « Trop cher, trop rigide, trop américain. » Ils ont finalement choisi une solution européenne à un tiers du prix.
Cette anecdote résume le problème : Palantir surfe sur le hype de l’IA, mais leurs clients potentiels font leurs calculs.
L’erreur que j’ai faite (et que vous faites peut-être)
Mon erreur principale ? Confondre croissance et profit durable. Palantir affiche des revenus impressionnants, mais à quel prix ?
Leur coût d’acquisition client explose. Pour chaque nouveau contrat, ils déploient des équipes d’ingénieurs sur site pendant des mois. C’est du consulting déguisé en logiciel. Ça ne scale pas.
J’aurais dû me poser la question fondamentale : dans 5 ans, qu’est-ce qui empêchera un concurrent de proposer 80% des fonctionnalités de Palantir à 50% du prix ?
La réponse ? Pas grand-chose. L’IA devient commoditisée plus vite que prévu.
Pourquoi les facteurs macro changent tout
Hill de Jefferies pointe un autre problème que j’avais négligé : l’environnement macroéconomique. Les taux élevés tuent les « growth stocks » surévaluées.
Mes calculs de 2023 supposaient des taux à 2%. Aujourd’hui, avec des taux à 4-5%, l’équation change radicalement. Pourquoi prendre le risque Palantir quand je peux avoir 4% garanti sur du gouvernemental ?
Cette réflexion m’a ouvert les yeux : investir sans considérer le contexte macro, c’est jouer au poker les yeux bandés.
Les signaux que j’aurais dû voir
Rétrospectivement, les red flags étaient partout :
Concentration client excessive : Plus de 60% du chiffre d’affaires vient du gouvernement américain. Une dépendance dangereuse.
Burn rate inquiétant : Malgré la croissance, ils brûlent encore du cash sur certains trimestres. Pas rassurant pour une société « mature ».
Communication opaque : Leurs earnings calls ressemblent plus à des séances de marketing qu’à des analyses financières sobres.
Ma stratégie de sortie (tardive mais assumée)
J’ai vendu 70% de ma position la semaine dernière à 75$. Perte nette : 15K€. Ça fait mal, mais j’assume.
Les 30% restants ? Je les garde comme « lottery ticket » avec un stop loss strict à 60$ (l’objectif de Jefferies). Si j’avais raison sur le long terme, ces 30% compenseront mes pertes. Si j’avais tort, la casse sera limitée.
Ce que cette expérience m’apprend sur l’investissement tech
Palantir m’a enseigné une leçon coûteuse mais précieuse : dans la tech, la différence entre vision et hallucination collective est souvent mince.
Les vraies opportunités ne font pas +971% en deux ans. Elles construient lentement, avec des fondamentaux solides, des marges qui s’améliorent et des équipes qui parlent chiffres plutôt que disruption.
La prochaine fois qu’un titre tech défie la gravité, je me poserai trois questions simples :
- Leurs profits croissent-ils plus vite que leur valorisation ?
- Leur avantage concurrentiel est-il défendable dans 10 ans ?
- Est-ce que j’achèterais cette entreprise entière à ce prix ?
Pour Palantir, les trois réponses sont « non ». Jefferies a raison. J’aurais juste aimé le réaliser 15K€ plus tôt.

